Une lettre à mon pére

Lovely things / Un peu de moi

17 juin 2016

Pour te dire ces mots, j’aurai bien aimé être en face de toi, siroter mon café turc parfumé à la fleur d’oranger autour de notre petite table ronde dans la cuisine. Et il y a Fairouz qui chante Eddach kan fi nass, le soleil et le parfum de la verveine que ma mère fait sécher sur le balcon de la cuisine…On est bien.

C’est un sentiment de gratitude qui me domine depuis toujours parce que j’existe grace à toi et parce que tu m’as transmis tellement de bonnes choses dans cette vie. Je sais que tu vas me dire que je ne te dois rien, mais saches que je te dois tout.
Je replonge dans mes souvenirs et je me rappelle de ces nuits brulantes passées dehors à compter les étoiles. Tu me disais que si j’arrivais à compter jusqu’à mille, j’aurai droit à un ballon. Aujourd’hui, je fais le meme exercice avec mon fils. On essaie de compter jusqu’à 70 sauf qu’on est envahi de ballons à la maison.

Papa, je ne te dis pas assez je t’aime, d’ailleurs je ne prends pas le temps de te parler. Je suis avare de mots et je me contente souvent de dire des banalités. Quand je t’ai au téléphone, je n’ai pas grand chose à te dire, à part comment vas-tu ? Oh aujourd’hui, il fait encore froid… Oui, oui nous allons bien, les enfants te passent le bonjour…
C’est un amour pudique, qui n’ose pas s’ouvrir mais il est tellement infini.

Trop occupée par ma vie, je ne me suis pas donnée le temps de courir dans tes bras, de te serrer fort et de te dire à quel point tu comptes pour moi. Cette longue distance qui m’empêche de venir vers toi à chaque fois que j’ai envie de te parler et cet espèce de silence qui se tisse entre nous. Nos échanges et ces petits riens qu’on ne peut pas acheter me manquent.

J’ai envie de redevenir une enfant, pour te raconter les livres que j’ai lu à la bibliothèque, ce que m’a dit mon professeur de philo sur ma dissertation sur la morale, mes projets futurs et te parler du livre que j’ai envie que tu m’offres.
J’ai envie que tu me redonnes tes connaissances à l’infini sur tout. Et que tu m’offres à nouveau ces moments d’entente et de complicité.

Papa, Je crois que tu n’es pas conscient de tout ce que tu m’inspires au quotidien. Ta force tranquille, ta philosophie. J’entends ton regard profond, silencieux qui dit beaucoup. Tu n’as jamais eu besoin de parler. Ta présence suffisait, ton regard si profond pouvait nous dire à quel point tu étais fou de rage ou comblé de bonheur.

Tu es cette lumière minuscule que j’arrive à voir de loin, qui me guide, qui me dit que dois-je faire. J’aimerai avoir ta force, ton calme et ta sérénité. Mais j’aimerai aussi avoir la force de ne pas être comme toi, parce qu’ aussi parfait que tu es, tu es imparfait Papa.
J’ai hérité ton amour pour la solitude, mon manque d’audace pour aller vers les autres et mon incapacité de demander quoi que ce soit à autrui.
Tu m’as toujours dit de ne compter que sur moi et de ne jamais rien demander à personne. Comment veux tu que j’avance seule dans la vie ?
Mais je te remercie, parce que je suis comme toi, je n’ai jamais été entourée de gens superficiels, je n’invite chez moi que les gens qui comptent. Je vis dans une bulle d’amour et j’essaie de transmettre à mes enfants des valeurs comme le partage et le pardon.

Papa, je voudrais rattraper le temps perdu, passer quelques dimanches par an avec toi et maman. Je voudrais que tu emmènes les enfants les samedis matin au café, comme faisait papi avec nous, chacun sur un genou.
Je voudrais des échanges comme avant, que tu m’emmènes à nouveau chez ton libraire préféré, que je te raconte les livres de Khalil Gibran et de Jorge Zaydan que j’adorais dévorer.
Papa, je voudrais du temps avec toi, je voudrais que la vie ne soit faite que de ça.